
A Rome, les juifs ont toujours été là. Peu nombreux mais bien présents dans le tissu économique de la ville et notamment, en rivalité avec les Génois, dans la banque. Au moment de la Contre Réforme, vers 1550, les efforts pour les convertir s’intensifient. Une famille va être particulièrement sensible à la tentation de s’intégrer, celle des Corcos, des banquiers venus d’Espagne. Des réseaux religieux dont celui de Philippe Neri y jouent un grand rôle (Ignace est mentionné au tout début). Suite à un minutieux travail dans différentes archives romaines, isabelle reconstitue avec précision les événements tels que les documents notariés notamment les donnent à deviner. Elle reste d’une remarquable neutralité axiologique, d’autant plus que les motivations des acteurs sont presque toujours insondables. Mais elle fait prudemment ses hypothèses. On voit à quel point les femmes sont souvent prises dans ce jeu de conversion où il s’agit de ne pas perdre ses intérêts économiques (ce que permettait la très ‘efficace’ bulle Cupientes judaeos de 1542 permettant aux convertis de conserver leurs biens). Il s’agit ici d’abord d’un patriarche Salomon Corcos puis quelques années plus tard de son fils Lazzaro. Les papes leur donnent leur propre nom de famille, Boncompagni, et ils s’intègrent dans la noblesse d’autant plus facilement qu’il n’y a pas de lois de pureté de sang comme en Espagne. Comme le dit la présentation du livre: « L’histoire des Corcos devenus Boncompagni, restituée à partir des archives du tribunal de la Rote et des notaires de Rome, aborde le thème de la conversion sous l’angle de ses coûts et bénéfices économiques et affectifs, inégalement répartis selon l’âge, le genre et la situation des individus. Elle montre les effets du prosélytisme des papes sur les juifs, les conflits familiaux générés par les conditions violentes des conversions, et la capacité de la société chrétienne à intégrer les néophytes au prix de l’oubli de leur origine. Grande fresque familiale, Les Convertis du pape nous plonge dans les dynamiques économiques, sociales, politiques et religieuses qui déterminaient les marges d’action des individus dans la Rome baroque ». Bref, même si personnellement je me perds très vite dans les liens familiaux, on saisit bien les tensions familiales et l’on mesure un peu ce que furent ces décisions dans la vie sur longue durée des familles. Absolument passionnant.