
Un film de Joachim Trier, avec Renate Reinsve, Stellan Skarsgård : Gustav Borg, Inga Ibsdotter Lilleaas, Elle Fanning. Grand Prix à Cannes 2025. Nous voilà en Norvège. Deux sœurs trentenaires, Nora et Agnes, tentent de construire leur vie, après que leurs parents aient divorcé alors quelles étaient petites, qu’elles n’ont pas revu leur père, ou très rapidement, pendant des années. Leur mère, psychologue, vient de mourir. Et voilà que le père revient et propose à l’ainée, Nora, actrice de théâtre réputée, un rôle dans on prochain film (il n’a plus tourné depuis quinze ans et cela pourrait bien être le dernier). Les deux sœurs doivent ‘gérer’ comme on le dit de façon atroce, ce ‘retour’ de ce père charmeur mais aussi cabotin, coureur et profondément égocentré. Le film est d’une extrême ambition en traitant des thèmes du trauma intergénérationnel (le divorce, le suicide, le deuil, mais aussi la guerre et ses suites, le silence, etc.), de la vocation artistique (et donc du trac, du rapport à un rôle) en multipliant notamment les mises en abyme virtuoses, de la sororité (la scène entre les deux sœurs qui illustre l’affiche m’a fait pleurer tant elle est forte et douce tout ensemble). Renate Reinsve est sublimissime de sensibilité, rayonnante et hantée, fragile et forte à la fois. Elle Fanning joue juste. Certes, c’est un film scandinave (on n’est vraiment pas en Italie!!); c’est un vrai mélodrame et le réalisateur, quoique doué ou plutôt parce que doué, abuse un peu des écrans noirs et des plans trop longs de trois secondes pour souligner combien il est bon, ce qui est un tantinet agaçant. Mais il nous parle de l’essentiel: l’amour blessé qui aspire à la guérison, la soif de reconnaissance qui nous habite (notamment vis-à-vis de nos parents et cela même quand ils sont fortement dysfonctionnels), de la parole difficile pour apaiser et contenir le trauma souterrain et de la prière qui peut nous saisir quand nous touchons le fond: ‘Seigneur je ne sais si tu existes mais je t’en supplie, aide-moi; tout seul je n’y arrive pas! », un passage deux fois répété et qui frappe à chaque fois. Cela nous parle de notre humanité maladroite et pathétique, qui a souvent tant de mal à aimer avec justesse et dans la durée, mais qui aspire si profondément à des paroles d’accueil inconditionnel et à une présence aimante. Que ‘quelqu’un’ dise: ‘je suis là, à tes côtés, pour toi; tu as du prix à mes yeux et je t’aime’ (cf. Is 43)… Et le seul jeu de Renate Reinsve justifie à lui seul de le voir…