[L’amour au présent] Un film de John Crowley écrit par le dramaturge et scénariste Nick Payne, avec Andrew Garfield et Florence Pugh (2024). C’est une sorte de mixte entre la comédie romantique classique et le mélodrame pur (avec la maladie). Un jeune couple aimant, composé d’un homme délicat et charmant, Tobias, et d’une jeune femme belle, portant un traumatisme ancien, ambitieuse et très déterminée (Florence P. a, notamment, une voix remarquable), va devoir affronter le cancer qui la frappe. L’alchimie entre les deux marche bien et l’ensemble est plutôt bien écrit. En même temps, l’ensemble est extrêmement contemporain avec sa dimension politiquement correct (à savoir on couche ensemble sans avoir échangé deux mots et on reste ensemble sans parler de mariage, d’enfants de ce que l’on veut et désire de la vie, de ce que sont ses peurs et ses attentes; de ce point de vue on voit le point commun avec l’intuition de la série espagnole Los años nuevos). Le choix du film est de faire une relation non linéaire pour montrer les grands événements sur quelques années mais dans un ordre dispersé. Cela a l’avantage de susciter plus de travail de la part du spectateur contraint, surtout au début, de faire de nombreuses hypothèses mais cela tourne un peu à l’exercice et rend l’ensemble un peu trop intellectuellement prétentieux. La dimension religieuse (ou spirituelle) est complètement gommée: le mot Dieu s’entend une fois dans l’adjectif tout fait godforsaken (révélateur!) et le mot ‘amen’ est prononcé mais dans le cadre de l’expression courante ‘amen to that’. Nous avons un couple ‘moderne’ anglais (mais l’on pourrait aussi situer le script ailleurs) d’aujourd’hui: on ne sait pas bien si on veut vivre avec une femme ou avec un homme; si on veut un enfant ou pas (‘Kids are not really my thing’; et, de fait, pourquoi voudrait-on accueillir un enfant si on n’a pas le système de valeurs qui va avec cette conviction? Comme le disait Olivier Clément: « On comprend l’hésitation des jeunes. Il y avait dans la continuité biologique, dans sa quasi fatalité, comme une foi réelle, mais aveugle, mais imposée. Un jour viendra sans doute où il faudra une foi consciente pour oser mettre un enfant au monde »; Olivier Clément, L’autre soleil, autobiographie, Paris, Stock, 1975, p. 40.); si on veut se marier ou pas (‘Je n’ai pas besoin d’un bout de papier et d’un public pour savoir si je veux passer ma vie avec toi’; c’est ‘ailleurs à cette phrase qu’il est dit ‘amen’). Bref, il y a du charme dans ce mélodrame, de la vie et beaucoup d’amour mais aussi beaucoup d’immaturité et un côté lacrymal et politiquement correct qui est un peu pesant… Cela dit, le titre est très bon (et vrai!).