Comment notre monde est devenu chrétien de Marie-Françoise Baslez

Comment rendre compte le plus justement possible, sans démagogie ni simplification facile, des travaux les plus récents sur la question de la diffusion du christianisme dans le monde antique ? Comment un petit groupe religieux marginal a-t-il pu devenir la religion de l’Empire romain trois siècles plus tard ? Dans cet essai incisif et précis à la fois, M.-F. Baslez fait oeuvre de pédagogie. Sans polémique mais avec conviction, elle répond à l’essai de Paul Veyne, Quand notre monde était chrétien (Albin Michel, 2007). Celui-ci faisait jouer un rôle déterminant au choix personnel de Constantin à partir de 312. Mais, se demande-t-elle, la question décisive n’est-elle pas plutôt : « Comment le choix de Constantin a-t-il été possible ? » Par quels moyens le christianisme a-t-il pu, peu à peu, se diffuser, tant géographiquement que socialement, au point de devenir un choix crédible pour de hauts-officiers de l’armée romaine, des notables et des intellectuels importants ? Ses travaux précédents sur les persécutions romaines trouvent ici toute leur place car ils remettent en cause la vision romantique de chrétiens repliés sur eux-mêmes et opposés à l’Empire. Les premiers chrétiens étaient insérés dans la vie sociale de leur cité et ont prouvé leur légitimisme vis-à-vis de l’Empire. L’effort de correspondance et de mise en réseaux initié par Paul a trouvé dans les grands évêques du iie et iiie siècle son couronnement. Paradoxalement, les persécutions plus violentes mises en œuvre à partir de 250 ont développé la notoriété de ce réseau, présent dans toutes les provinces et dans toutes les couches sociales. Des intellectuels et des patriciens se sont peu à peu intéressés à cette religion, créant les conditions de possibilité d’une adhésion de l’empereur lui-même. Si l’on pourra bien sûr discuter telle ou telle affirmation ponctuelle, – comment en serait-il autrement sur des sujets aussi délicats ? –, l’ensemble frappe par sa maîtrise de différentes sources (sociologie, archéologie, histoire, théologie). C’est indubitablement la synthèse à lire sur les trois premiers siècles chrétiens.

Recension parue dans la Revue Etudes en 2009

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