Eugène Green est un cinéaste extrêmement original et franchement confidentiel. Si vous n’avez jamais entendu son nom, c’est normal : le nombre d’entrée de ses films ne prétend pas vraiment lutter avec les grandes productions. Ayant jeté un coup d’œil sur ses œuvres et ses caractéristiques, c’est avec un peu d’appréhension et en craignant un projet intello et prétentieux, que je suis allé voir son dernier projet à l’invitation de gens en qui j’ai confiance (toujours un critère important!). Bonne pioche !
Une fois intégrées quelques contraintes formelles (diction, plan, etc.) auxquelles on se fait assez vite, le film a un bon rythme et, chose décisive, touche juste : il suggère sans asséner, il montre sans trop en dire. Il plane une part de mystère sur les quatre personnages principaux qui fait que l’on se demande sans cesse comment l’histoire va finir. Les acteurs réussissent à exister vraiment malgré la façon si décalée, et fort surprenante pour nous, dont ils sont filmés : Fabrizio Rongione, le mari patient de Marion Cotillard dans « Deux jours, une nuit » et l’actrice fétiche du réalisateur, Christelle Prot-Landman, dont la grâce féminine pleine d’une maternité douloureuse, contribue au charme du film. Et aussi deux jeunes italiens (Arianna Nastro et Ludovico Succio) – qui semblent tout droits sortis d’une époque révolue, celle des romans du 18ème – tout simplement lumineux.
Mais de quoi nous parle donc ce film ? Pourquoi ne pas le rater ? Il nous parle – légèrement, par petites touches – du sens de la vie, des ombres qui pèsent sur les êtres, des blessures qui nous poussent à nous refermer plutôt qu’à parler. De nos espérances et de ce qui les ronge. Il parle surtout de la lumière, du sens, des chemins, à la fois simples et si difficiles, de l’amour, conjugal, fraternel. Comment pouvons sortir du mutisme mortifère sinon par la parole ? Et qui suscitera cette parole sinon une présence humaine bienveillante et amicale ?
Que l’on soit jeune ou moins jeune, en couple ou pas, ce film rejoint en profondeur notre temps alors même qu’il en semble si éloigné. Il nous parle fondamentalement de résurrection, de l’accès à la lumière de la vie. C’est un film éminemment pascal. De lui, on pourrait dire qu’il est dans son entier un commentaire du verset du Psaume 36,10 : « Par ta lumière nous voyons la lumière ». Car la lumière du Seigneur nous vient bien souvent par autrui. La façon dont nos frères et sœurs humains accueillent la lumière peut nous aider à retrouver la source de la lumière, de notre lumière, celle que nous avions perdue et qui peut ainsi être retrouvée. Par grâce.