Un film de Martin McDonagh avec Colin Farrell, Brendan Gleeson, Kerry Condon, Barry Keoghan. Sur l’île irlandaise d’Inisherin (le film appartient de ce fait à la trilogie des îles d’Aran avec The Cripple of Inishmaan de 1997 et The Lieutenant of Inishmore de 1993), deux hommes sont amis. L’un est un musicien poète, l’autre un homme simple qui vit seul avec sa sœur dans une petite fermette. Sur le fond des magnifiques paysages de l’ouest irlandais, superbement photographiés, avec des acteurs au sommet de leur art, un scénario original (quoique décrivant une société irlandaise correspondant exactement aux stéréotypes que l’on peut attendre), tout à la fois humain et terrifiant, Martin McDonagh écrit et réalise le film parfait. Oui mais… Mais, deux choses, de nature différente, m’empêchent d’apprécier totalement le film. Tout d’abord, il y a un petit côté ‘regardez comme c’est magnifiquement filmé; admirez mon talent’, un côté un tantinet esthétisant et brutal à la fois qui agace. Et, surtout, je ne peux rejoindre la dimension métaphysique que McDonagh veut donner au film: alors même que le film est saturé d’images religieuses catholiques, comme de juste d’ailleurs en ce lieu et temps là, je perçois pour ma part une profonde distance avec l’évangile, avec ce que la dimension christique apporte à la vie (Michael Kelly dans, The Irish Catholic en octobre dernier, le sent également: « faith is ever-present… but useless »). La discussion entre Colm et Patrick sur l’éternité artistique comparée à ce que nos proches et amis peuvent dire de notre bonté, qui sera oubliée dans 50 ans, est révélatrice de ce conflit profond. Colm est doublement dans l’erreur: d’une part en idéalisant une éternité esthétique qui n’est qu’une illusion athée et d’autre part en reniant une amitié concrète, charnelle, réelle: comme le dit Angela O’Donnell dans America, « Colm’s denial of Pádraic is certainly a sin […] It is a sin against loyalty, a sin against charity and a sin against love » (https://www.americamagazine.org/arts-culture/2022/12/16/banshees-inisherin-martin-mcdonagh-244331#:~:text=McDonagh%2C%20born%20to%20Irish%20parents,inscribed%20in%20all%20his%20work), un article que je rejoins sur l’essentiel. C’est un monde où seuls l’obscurité et le péché dominent et où la grâce et la bonté doivent fuir… Bref, comment dire? McDonagh est incroyablement doué mais il y a quelque chose de dérangeant dans sa psyché et sa vision du monde, quelque chose de scary, sad and slightly perverse…