
Cette nouvelle, l’un des derniers écrits de Miguel de Unamuno, fut publiée en 1933. Elle raconte comment un prêtre exceptionnel de charité est considéré de son vivant ‘presque’ comme un saint. Ce village de montagne, Valverde de Lucerna, a une sorte de double mystérieux qui a été englouti dans un lac. Le récit est fait principalement par Ángela, une femme qui fut fascinée jeune fille par ce prêtre si atypique. Don Manuel a toutes les qualités sauf une, la foi. Mais ce n’est que petit à petit que nous découvrons ce secret. Dans son livre ‘le fou de Dieu au bout du monde’, Javier Cercas raconte que c’est la lecture de ce livre qui, à 14 ans, lui fit perdre la foi et cela m’avait intrigué. C’est une sorte de confession improbable dans la mesure où je ne pense pas que ce Don Manuel ait pu irradier tant de bonté dans la longue durée alors qu’il confesse au frère de la narratrice, Lazaro, sa tristesse profonde et irrémédiable et ses tentations de suicide. Nous sommes dans une espèce de fable, de songe (thème hispanissime), de méditation poétique sur la foi comme guérison et lumière: « ¿Es que sé algo?, ¿es que creo algo? ¿Es que esto que estoy aquí contando ha pasado y ha pasado tal y como lo cuento? ¿Es que pueden pasar estas cosas? ¿Es que todo esto es más que un sueño soñado dentro de otro sueño? » (cf. l’article éclairant de Ali Zaidi, « The Secret Dream World of Ángela Carballino in Unamuno’s San Manuel Bueno, mártir »). Cela rejoint Cercas qui avoue que son entrée dans l’athéisme a été simultanément une entrée dans l’angoisse permanente. Magnifiquement ciselé, hommage à une Espagne disparue, et allusion discrète à Nietzsche, ce petit livre parle de l’essentiel et surtout des pouvoirs de la foi. On pense à la même époque au Journal d’un curé de campagne. Comment transmettre la joie de la foi quand on vit l’épreuve de la nuit?