
[La servante écarlate] une série (Hulu-Amazon) de Bruce Miller, avec Elisabeth Moss (très bonne dans le rôle central et elle porte la série), Joseph Fiennes (mon lointain cousin, excellent également), Yvonne Strahovski, Alexis Bledel, Madeline Brewer, Samira Wiley, Ann Dowd (impressionnante), O. T. Fagbenle, Max Minghella, en dix épisodes d’environ 50′ (2016). Suivent 5 autres saisons. Il s’agit de l’adaptation du roman La Servante écarlate de Margaret Atwood (1985). Nous voilà sur la côte est des ex États-Unis dans un futur vaguement proche mais réaliste (hélas). Une fanatique secte protestante (mais mérite-t-elle encore cet adjectif?) a pris le pouvoir et établi une dictature féroce. On est dans un monde où l’infertilité est devenu un problème, ou plutôt une obsession, majeure: la majorité des humains sont stériles et seul un enfant sur cinq naît en bonne santé (nous l’apprenons incidemment assez vite). S’appuyant sur le verset biblique par lequel Rachel a permis à Jacob d’avoir des enfants via ses servantes (Gn 30,3), les dirigeants de la secte utilisent le stock de femmes fécondes (les handmaids) pour enfanter à la place de leur épouse, et, littéralement, sur leurs genoux. Toute une liturgie sacralisée, la ‘cérémonie’, a été mise en place pour ce ‘rite’; les salutations s’inspirent du style biblique mais en se centrant sur la fertilité. C’est ainsi que la salutation ordinaire est « Blessed be the fruit » auquel il faut répondre par « May the Lord open » (très belle expression d’ailleurs si elle n’était pas, comme tout le reste, terriblement profanée par l’usage pervers qui en est fait). Ainsi, la natalité devient un absolu totalitaire (niant la profonde vérité chrétienne que la vie n’est pas l’absolu mais Dieu seul et que la fertilité n’est pas l’unique manière de donner la vie). De façon cohérente, les prêtres et sœurs catholiques sont pendus comme tous les autres résistants. Devant une répression féroce et un Etat (le thème est à peine justifié), certains néanmoins essaient de résister. L’héroïne était mariée et mère d’une petite fille mais en essayant de passer au Canada, elle s’est retrouvée seule et ne sait comment savoir où sont son mari et sa fille (et s’ils sont vivants). La série est remarquablement originale, s’adossant cela à la qualité du roman dystopique dont elle s’inspire, très bien interprétée et instillant un climat d’angoisse profonde avec au fond peu de moyens. Elle pose des questions fortes sur les conditions de possibilité du don de la vie. « Donne-moi des fils ou je meurs » avait dit Rachel (Gn 30,1). Cette phrase n’est pas chrétienne (et je me risquerais à dire pas vraiment juive non plus; il se trouve que j’ai écrit un article sur le sujet il y a bien longtemps) et elle est ici diaboliquement détournée. On a mal à l’estomac quand on voit des vérités de foi utilisées pour faire souffrir et écraser (comme lorsque Lidia, la kapo, dit: « There is no greater miracle than the miracle of life »). L’idéologie de la secte voit par exemple des personnages discuter sur le rôle des femmes et répondre « Children. What else there is to live for? ». C’est là que la Bible dans son ensemble oppose son affirmation fondamentale: Nous vivons pour l’amour de Dieu et pour celui du prochain: ce qui justifie notre vie ce ne sont pas les enfants que l’on a ou pas – ou l’héritage qu’on leur laissera ou pas – c’est l’amour qu’on aura vécu et donné… J’ai été impressionné et pris par la première saison. Cela vaut indubitablement la peine si l’on ne craint pas les atmosphères oppressantes et l’humiliation organisée des femmes. Une série qui fait réfléchir sur l’essentiel…