[La chronique des Bridgerton] Une série américaine (Netflix) de Chris Van Dusen, avec Regé-Jean Page, Phoebe Dynevor, Ruth Gemmell, Jonathan Bailey, Claudia Jessie, Luke Thompson, Luke Newton, en 8 épisodes de 50′ environ (2021). Il est curieux de voir à quel point les charmes ambigus de l’aristocratie britannique peuvent fasciner le monde ! Est-ce l’accent? L’incroyable sens de supériorité sociale? Les marques laissées par Jane Austen dans notre culture commune? Quoi qu’il en soit, cette série, inspirée par une série de livres de la newyorkaise Julia Quinn, nous plonge goulûment et avec une débauche de moyens, costumes et décors, dans le monde londonien de la Régence en 1813 (quoique le contexte historique et les guerres napoléoniennes soient réduits au minimum). Pas dans les mines où travaillent jour et nuit une armé de misérables, ni dans les campagnes vidées par les enclosures et où règne la misère que le blocus continental aggrave (c’est une vraie différence avec Poldark par exemple où la misère comme la générosité des campagnes anglaises est très bien montrée), oh non, nous sommes dans la haute société où la grande question est de marier les jeunes femmes de bonne famille, jeunes filles en vérité, à un beau parti.
Comme dans la série Hollywood, la série a choisi, sans doute sous l’influence de sa productrice mais bien en phase avec les convictions (pro-minorités) de Netflix , un parti-pris dystopique en faisant qu’une bonne part de ces aristocrates anglais sont noirs (ou asiatiques). L’effet est étrange, surprenant au départ tant les perruques paraissent un en sens plus incongrues encore, mais l’on s’y fait assez bien, une fois acceptée l’illusion. Il y a du coup un petit problème scénaristique car une phrase (une seule!) mentionne la chose, le mariage du roi avec la reine Charlotte. Mais, dans ce cas, le problème racial serait central dans la série et le personnage du père du Duc d’Hastings invraisemblable. Non, la série donne à voir un monde où la couleur n’est pas une question, du tout, et c’est assez rafraichissant et sympathique. Mais cela veut dire alors qu’elle ne joue aucun rôle dans l’intrigue, dans le scénario, qu’elle est invisible. Et c’est ce qui se passe en fait. Donc cette phrase est un bug.
Il y a aussi une nette dimension féministe mais que nous ne pouvons que valider, avec le recul du temps. Le désir d’éducation d’Eloïse nous parle et parlera aux jeunes filles d’aujourd’hui. Bref, c’est bien enlevé, léger comme une coupe de Clairette de Die, très girly en un mot, mais non sans charmes. Un second et dernier souci, important, m’empêche de mettre une appréciation plus positive car il empêchera la série d’être vue avec de jeunes enfants et ados, ce qui est bien dommage: elle est, volontairement et indubitablement, racoleuse, avec des scènes sexuelles bien complaisamment filmées justifiant l’interdiction aux moins de 16 ans. Ecarter pudiquement la caméra aurait permis à tout un chacun de comprendre sans pour autant s’étendre sur la scène elle-même: c’est donc inutilement cru (malgré le fait que l’amour soit réel à chaque fois). Une occasion manquée.
Ceci dit, si l’on peut surmonter ces, vraies, réserves, quand on aime les atmosphères à la Jane Austen et les jolies tournures de phrase en anglais, et que l’on ajoute que c’est habité par une très charmante et convaincante Daphné, la véritable héroïne de la saison, l’objectif est atteint.